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le nid à contentieux du décret plages

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le décret n°2006-608 du 26 mai 2006, pris en application de l'article 115 de la loi n°2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité est enfin paru, soit 4 ans après avoir été annoncé par le législateur. Ce dernier officialisait la priorité donnée aux communes dans l'attribution des concessions de plage de l'Etat. Il indiquait par ailleurs que les éventuels sous-traités (des communes à des personnes privées) devaient faire l'objet d'une mise en concurrence. Cette précision n'était à vrai dire guère utile, dans la mesure où on savait que ces sou-traités, dès lors en tous les cas qu'il confiaient à une personne privée la gestion du service public des bains de plage, constituaient une délégation de service public régi par la loi Sapin.

C'est  ainsi que le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 21 juin 2000 SARL Plage chez Joseph, décidait que le sous-traité d'exploitation, "s'il porte autorisation d'occupation du
domaine public par le sous-traitant et présente ainsi le caractère
d'une concession domaniale, tend également à organiser l'exploitation
de la plage, dans l'intérêt du développement de la station balnéaire ;
que le concessionnaire chargé de l'équipement, de l'entretien et de
l'exploitation de la plage, doit également veiller à la salubrité de la
baignade et au respect des mesures destinées à assurer la sécurité des
usagers dans les conditions prévues par le sous-traité, sous le
contrôle de la commune et sans préjudice des pouvoirs qui appartiennent
à l'autorité de police municipale ; qu'eu égard à la nature de la
mission ainsi confiée au concessionnaire, le magistrat délégué par le
président du tribunal administratif de Nice n'a pas commis d'erreur de
droit en jugeant que le sous-traité litigieux organisait une délégation
de service public au sens des dispositions susvisées de la loi du 29
janvier 1993".

Que penser de ce renvoi sans précision ? laissait-il le loisir au pouvoir réglementaire de renvoyer purement et simplement à la procédure de la loi Sapin, où prévoyait-il, au contraire, une procédure spécifique de publicité et de mise en concurrence ?

Quoi qu'il en soit, le décret définit l'objet des concessions comme étant l'aménagement, l'exploitation et l'entretien de plages. Les concessions sont d'une durée maximale de 12 ans, et ne sont pas constitutives de droits réels en faveur de ses bénéficiaires, ce qui n'est guère une surprise. de la même façon, sans aucunement innover, on nous précise que les concessions ou conventions d'exploitation ne peuvent faire l'objet de propriété commerciale. Il n'y avait là point besoin de précision, tant la domanialité publique est exclusive de toute appropriation commerciale. Ainsi, un bail commercial ne peut être conclu sur le domaine public, tant artificiel que naturel. En réalité, seul le législateur peut y apporter des dérogations, comme il l'a fait pour les collectivités locales en leur donnant la possibilité de conclure sur leur domaine public artificiel des baux emphytéotiques.

En outre, il est précisé que seuls 20% de la surface des plages peuvent être concédées ou exploités, contre 30 % auparavant, ce qui peut poser des problèmes dans certaines communes littorales qui en sous-traitaient plus (cas du Lavandou, par exemple, mais qui n'est point isolé).

Le décret prévoit par ailleurs que les concessions ou conventions d'exploitation peuvent comporter une
clause prévoyant, en cas de résiliation pour un motif d'intérêt
général, l'indemnisation des investissements non encore amortis.
Cela était déjà acquis par la jurisprudence administrative. Mais doit-on conclure que l'indemnisation du manque à gagner est exclu par le décret ? On peut en douter, tant on ne voit pas comment le pouvoir réglementaire serait compétent pour exclure de toute indemnisation un chef de préjudice important.

En ce qui concerne la procédure d'attribution des sous-traités de concession, appelés ici conventions d'exploitation, l'article 13 du décret dispose que "Lorsque le concessionnaire est une collectivité territoriale et qu'il
décide de faire usage de la possibilité prévue au II de l'article 1er,
il soumet les conventions d'exploitation à la procédure décrite aux
articles L. 1411-1 à L. 1411-10 et L. 1411-13 à L. 1411-18 du code
général des collectivités territoriales.

Lorsque le
concessionnaire dresse la liste des candidats admis à présenter une
offre, il examine, outre leurs garanties professionnelles et
financières, leur aptitude à assurer l'accueil du public pendant la
période d'exploitation ainsi que la préservation du domaine."

Ainsi donc, le décret renvoie à la procédure de délégation de service public. Cependant, à aucun moment le pouvoir réglementaire n'a qualifié les conventions d'exploitation de délégation de service public. Et un simple renvoi à la procédure afférente ne saurait pour autant emporter la qualification de service public délégué. En outre, s'agissant de l'examen des candidatures, il est indiqué, qu'en sus des garanties professionnelles et financières, doit être apprécier l'aptitude à assurer l'accueil du public. Doit-on comprendre que le respect de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés
prévue à l'article L. 323-1 du code du travail et de leur aptitude à
assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant
le service public (article L 1411-1 du CGCT)
ne doivent pas être appréciés par la commission ?

En réalité, un décret ne saurait faire échec à une qualification législative. Rappelons en effet le législateur est venu conférer force de loi à une définition jurisprudentielle de la délégation de service public en   : Une délégation de service public est un contrat par lequel une
personne morale de droit public confie la gestion d'un service public
dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la
rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation
du service. 
Aussi, comme auparavant, et sans que le décret n'apporte une quelconque nouveauté, une convention d'exploitation pourra être, selon les clauses du contrat, une délégation de service public ou une simple convention emportant autorisation d'occupation du service public. A moins, bien entendu, que la législateur ait entendu en 2002 extraire ces contrats des délégations de service public. Mais cela a bien entendu des conséquences importantes, le juge des référés pré-contractuels, par exemple, n'exerçant ses pouvoirs qu'à l'encontre des procédures d'attribution des marchés publics et des délégations de service public.

Ensuite, le décret précise que les conventions peuvent être attribuées à des personnes morales, ce qui semble indiquer qu'auparavant, ce n'était pas possible (ce qui est une nouvelle fois surprenant). mais que dans ce cas, les sociétés attributaires devront désigner une personne physique responsable de l'exécution de la convention d'exploitation. Et, en cas de modification dans l'actionnariat de la personne morale ayant pour effet une modification du contrôle au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, une simple information du concessionnaire et du préfet est prévue. C'est tout de même surprenant, s'agissant d'une convention signée intuitu personae.

Enfin, l'article 16 du décret prévoit que dans un nombre limité de cas, une cession de la convention peut intervenir. Ici encore, on ne voit pas comment le pouvoir réglementaire serait compétent pour intervenir de façon restrictive dans un domaine qui ressortit de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté d'entreprendre. le conseil d'Etat, pour sa part en juin 2000 , avait définit les conditions de licéité des cessions des contrats dans le cadre des marchés publics et des délégations de service public.

Il reste à mentionner, l'impossibilité désormais acquise pour les communes de donner des autorisations temporaires unilatérales d'occupation du domaine public, pour une ou des activités ayant un rapport direct avec l'exploitation de la plage. L'absence de définition de l'activité ayant un rapport direct avec la plage est encore dommageable. Doit-on ainsi considérer que la simple autorisation sans mise en concurrence de déposer sur la plages des optimistes est interdite ? qu'il en est de même pour poser des poteaux de volley et un filet sur ladite plage ? qu'en est-il des arrêtés autorisant simplement une association de véliplanchiste d'occuper une partie du domaine public sans mises en concurrence ?

Comme on le voit, la parution du décret est loin d'apporter la sécurité juridique dans un domaine crucial à l'activité économique des communes littorales et balnéaires. C'était bien la peine d'attendre 4 ans pour un tel résultat, et il faut avoir la foi chevillée au corps pour considérer, comme dans la revue parlementaire que ce décret "permettra de garantir la transparence et la sécurité juridique du régime d'exploitation des plages". Il s'agit à mon sens beaucoup plus d'un nid à contentieux.


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